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Pathologie de la coiffe des rotateurs et TMS

Parution : Le muscle Nouveaux concepts. Anatomie – Biomécanique – Chirurgie – Rééducation
Par : T. Marc – T. Gaudin – J. Teissier – F. Bonnel.

INTRODUCTION

Les douleurs d’épaules sont fréquentes. De 14 à 20 % de la population générale déclare en effet souffrir de l’épaule un jour donné (prévalence instantanée). Parmi ces douleurs, les atteintes de la coiffe des rotateurs (tendinopathie et bursite) sont les plus fréquentes. Elles représentent entre 44% et 65% des visites médicales pour un syndrome douloureux de l’épaule. Ces atteintes se révèlent un problème très coûteux puisqu’elles induisent des absences répétées au travail associées à des compensations financières dans 16% à 30% des cas. Aux États-Unis, le coût direct des traitements des syndromes douloureux de l’épaule aurait atteint 7 milliards de dollars en 2000. Le coût moyen des indemnisations serait de 15 790$ avec en moyenne de 263 journées de travail perdus.

Les pouvoirs publics commencent à se rendre compte que les tendinopathies et bursite de la coiffe des rotateurs sont devenues un véritable problème de santé publique qui oblige l’HAS à multiplier, depuis quelques années, les recommandations sur cette pathologie.

Par contre, relativement peu de travaux s’intéressent aux troubles musculo-squelettique (TMS). Cette pathologie est en pleine croissance (20% par an ces dix dernières années) et 32 500 cas de maladies professionnelles (MP) ont été déclarés en 2006 et indemnisées en France (710 millions d’euros). Elles ont engendré la perte de 7 millions de journées de travail. Les frais sont couverts par les cotisations des entreprises ; le taux de cotisation varie suivant le risque et les maladies déclarées de 1 à plus de 30% de la masse salariale. En Languedoc Roussillon, entre 2003 et 2007 les MP ont globalement augmenté de 60% alors que les maladies du tableau 57 (affections périarticulaires) ont augmenté de 84%. En France le tableau 57A (épaule) a quasiment doublé entre 2004 et 2006. Le coût moyen d’une MP du 57A est de 37531 euros et le coût indirect est multiplié par 3.
D’après une enquête menée dans les Pays-de-la-Loire par Roquelaure, près de 13% des salariés au niveau des membres supérieurs. Plus de la moitié des salariés interrogés déclaraient avoir eu des symptômes musculo-squelettiques des membres supérieurs au cours des 12 derniers mois. Pour 8% d’entre eux, ces symptômes étaient quotidiens. Plus d’un salarié sur deux rapporte des symptômes d’au moins une zone du membre supérieur au cours des 12 derniers mois (35,9% des épaules et 40% du cou) et près d’un sur trois au cours des 7 derniers jours. Les tendinopathies et bursites de l’épaule sont les plus fréquentes (8%), devant le syndrôme du canal carpien (4%) et l’épicondylite latérale (2%). Après 50 ans le taux de salariés qui souffrent d’une tendinite de l’épaule monte à 16%. Il faut remarquer que Leclerc et al en avaient retrouvées 28,9% chez des sujets exposés et 16% chez les sujets peu ou pas exposés.
Quels sont les facteurs qui influencent l’apparition des TMS du membre supérieur.

Facteurs de risques

Des facteurs de risque (FR) ont été identifiés parmi lesquels on retrouve des gestes effectués plus de 2 heures par jour tel que le travail les mains au-dessus des épaules, l’extension du ou des bras en arrière et le travail des bras éloignés du corps. La réalisation de mouvements très répétitifs plus de 4 heures par jour ou avec des cycles inférieur à 30 secondes, la manipulation de charges de plus de 4 Kg, l’absence de pause et un environnement psycho-social défavorable sont des FR associés à l’apparition des TMS. La prévalence des six TMS passe de 8 % lorsqu’un ou deux FR sont présents à 23 % lorsque 8 et plus FR sont présents.

Influence de l’âge

Bien qu’aucune classe d’âge ne soit épargnée, la fréquence des TMS augmente considérablement avec l’âge. Elle passe d’environ 6 % des salariés âgés de 20 à 29 ans, à 8 % des trentenaires, à 15 % des quadragénaires pour monter jusqu’à 26 % des quinquagénaires. 16% d’entre eux souffrent d’une tendinite de l’épaule.

Pathologies associées

Dans cet échantillon la prévalence de l’obésité (9,2 %) et du diabète (2,2 %) est identique chez les hommes et les femmes. L’obésité est plus importante chez les salariés souffrant d’une pathologie de la coiffe (17,0 % versus 8,6 %). Il en est de même pour le diabète (6,0 versus 1,8 %, p = 0,003). Les autres types de TMS (à l’exception du syndrome du canal carpien qui est plus fréquent chez les obèses) ne sont pas influencés par ces deux pathologies.

La forte prévalence de cette pathologie d’épaule est préoccupante sur le plan médico-social du fait du pronostic sévère de ces atteintes de l’épaule et de la longueur des arrêts de travail qu’elles entraînent. Une prise en charge précoce et efficace doit donc être mise en place. Ce travail et ces quelques chiffres permettent de mieux appréhender le problème humain, social, politique et économique pour la société que représentent les TMS et l’importance d’une prise en charge de ces TMS.

BASES BIOMECANIQUES : DE LA STRUCTURE A LA FONCTION

La coiffe des rotateurs est un ensemble fonctionnel de 4 muscles insérés sur la scapula. Leurs tendons se rejoignent pour former une nappe tendineuse qui s’insére sur les tubercules huméraux. Le sub-scapulaire participe à la rotation médiale, le supra-épineux participe à l’abduction et l’infra-épineux et le petit rond sont les seuls rotateurs latéraux. Cette fonction motrice bien connue et largement enseignée n’est pas la plus importante car en cas de non fonction d’un muscle, des suppléances sont possibles.
En fait, la fonction fondamentale de la coiffe est de stabiliser et de centrer la tête humérale sur la glène. Cette fonction est rendue possible par une structure anatomique particulière et une architecture musculaire particulière. La défaillance de celle-ci entraîne une augmentation des pressions sous la voûte acromiale de 61% (Wuelker).

Structure anatomique de la coiffe

Les tendons de la coiffe des rotateurs présentent la particularité de constituer une nappe tendineuse commune qui va s’insérer sur les tubercules huméraux. Clark et Harryman (1) ont observés un échange de fibre entre les différents tendons. Cette disposition originale permet la transmission des tensions aux tendons adjacents lors de la contraction d’un muscle. Ces auteurs décrivent une structure à cinq couches à l’approche de l’insertion sur le tubercule majeur. La couche superficielle est constituée par les fibres superficielles du ligament coraco-huméral. La deuxième couche est constituée par de large faisceaux de fibres parallèles allant des corps musculaires du supra épineux et de l’infra épineux jusqu’au site d’insertion. La couche sous-jacente (troisième couche) est aussi épaisse que la précédente mais ses faisceaux sont plus petits et d’orientation moins uniforme que la précédente. La quatrième couche est beaucoup moins épaisse. Le tissu de soutien est constitué d’épaisses bandes de collagène orientées perpendiculairement à l’axe des tendons de la coiffe. Cette couche contient également des couches profondes du ligament coraco-huméral. Enfin la cinquième couche est en fait constituée de la capsule qui s’étend de la glène à l’humérus. Gohlke et collaborateurs (2) ont détaillé l’orientation des fibres de la couche capsulaire et de la zone d’insertion. Les fibres se croisent avec un angle de 45°permettant de transmettre les forces générées par un muscle aux autres tendons de la coiffe. Cette structure complexe (cinq couches) dont les principaux faisceaux sont orientés selon la direction des fibres musculaires, mais où d’autres faisceaux ou couches sont orientés à 45° et 90° permet d’expliquer les mécanismes de compensation observés lors de certaines ruptures.
Une zone de fragilité existe à la jonction du sub-scapulaire et du supra épineux : c’est l’intervalle des rotateurs. Le mouvement d’extension associée à la rotation médiale distend de façon considérable cette zone (3).
Ce mouvement devra donc être proscrit en rééducation et évité lors des activités de la vie quotidienne pendant la phase de rééducation.

Biomécanique du tendon supra épineux

L’étude des propriétés mécaniques du tendon du supra épineux permet d’apporter un éclairage à la genèse de certaines ruptures. Les propriétés mécaniques des différentes zones (antérieure, moyenne et supérieure) du supra épineux ont été étudiées par Itoï (4). La partie antérieure est la plus résistante et le module d’élasticité varie du simple au triple. Il existe également des variations importantes de ce module entre les couches superficielles et articulaires des tendons. Lors de la mise en tension des tendons, il se produit des forces de cisaillement entre les zones d’élasticité différentes. Ces frictions entre les différents faisceaux et couches de la coiffe sont vraisemblablement un des facteurs participant à la genèse des ruptures intra-tendineuses.

Le tendon de l’infra-épineux

C’est pour nous le muscle principal de l’épaule. Il est rompue dans 58% des cas, alors que le sub-scapulaire n’est rompue que dans 14%. Dans le plan horizontal, il équilibre l’action du sub-scapulaire alors que dans le plan frontal, il s’oppose aux forces verticales produites par le deltoïde( Perry J. et Nove Josserand L.) ; C’est le principal rotateur latéral de l’épaule puisqu’il est responsable de 50 à 75% de la force de rotation latérale de l’épaule (Khulman). Thompson WO. A montré que la préservation de l’infra-épineux et du sub-scapulaire permettait de conserver une tête centrée même en présence d’une rupture du supra-épineux.
Halder a montré que la partie supérieure de l’infra-épineux présente un module d’élasticité plus faible expliquant les ruptures de la partie haute de ce tendon. Récemment P.Boileau a montré le rôle péjoratif des fissurations de ce tendon dans le résultat des réparations du supra-épineux.

Dynamique de l’articulation scapulo-humérale

La stabilité de l’articulation scapulo-humérale n’est pas assurée par les surfaces articulaires mais par les muscles, qui en plus de leur rôle moteur, vont devoir assurer ce rôle de stabilisateur.
Pour bien comprendre l’équilibre dynamique scapulo-huméral, il faut répartir les muscles en deux groupes : les coaptateurs et les muscles générant des forces de translation. Les muscles coaptateurs sont ceux de la coiffe des rotateurs (subscapulaire, supra épineux, infra épineux et petit rond). Le deuxième groupe comprend : la longue portion du triceps, la courte portion du biceps, le coraco-brachial, le deltoïde et le grand pectoral.
La coiffe des rotateurs s’oppose aux forces de translation ascensionnelles générées par le deuxième groupe de deux façons :

  • La première en augmentant la compression de la tête humérale dans la concavité glénoïdienne.
  • La deuxième en activant préférentiellement l’infra épineux, le petit rond et le subscapulaire dont les faisceaux inférieurs exercent une force verticale descendante capable de contrer les forces ascensionnelles. Ces muscles sont appelés par les anglosaxons « head depressors » (dépresseurs de la tête). Sharkey et Marder ont montré que l’action de la coiffe permet de diminuer le recrutement du deltoïde de 26 à 36%. De plus, la contraction de la coiffe dès le début du mouvement va s’opposer aux forces de translation supérieure égales à 42% du poids du corps. Ces forces de translation provoquent la compression des tendons sous la voûte acromio-coracoïdienne. Wuelker à étudié les pressions dans l’espace sous acromial en fonction des actions musculaires. Lors de l’élévation du bras, l’absence de contraction du sub-scapulaire, infra épineux et petit rond (coiffe basse) entraîne une augmentation de 61% de la pression sous acromiale. La contraction du supra épineux n’entraîne pas de variation significative. La contraction du deltoïde, par contre, entraîne une augmentation de 35% de la pression. Les auteurs concluent à l’importance du rôle de la coiffe basse pour s’opposer à la force d’impingement du deltoïde. Le travail confirme le concept de Saha émis en 1971. Il est intéressant de noter dans l’étude de Wuelker qu’une acromioplastie ne modifie pas les pressions enregistrées. En effet cette voûte acromiale joue un rôle important. Un contact bien réparti (effet tampon) entre la coiffe et l’acromion participe à la stabilisation de la tête humérale sur un plan purement mécanique, mais aussi d’un point de vue informationnel. Les récepteurs contenus dans la bourse participent à l’organisation motrice du fonctionnement gléno-huméral. L’importance de l’intégrité de la voûte et de la bourse est démontré part l’impotence fonctionnelle observée dans les premières semaines qui suivent une acromioplastie avec bursectomie. Alors qu’aucun muscle, ni tendon n’est touché, le patient ne peut mobiliser normalement son membre supérieur alors que la coiffe a été décomprimée ! Il s’agit d’une véritable désorganisation motrice par perturbation des influx afférents.

Les muscles : de l’ultrastructure à la structure

L’organisation de la structure de la coiffe est conçue pour produire de la compression plutôt que du mouvement. De façon à conserver un angle de pennation idéal, il faudra donc tonifier les muscles de la coiffe dans une amplitude proche de la course interne. Comme l’a montré Mc Carrick, le renforcement de la coiffe des rotateurs en rotation permet d’obtenir un gain sur 12 semaines. L’entrainement doit-être pousuivi à raison d’au moins une fois par semaine pour maintenir le gain acquis par l’entrainement. L’arrêt complet entraîne une perte plus importante sur les capacités excentriques.
Après réparation du muscle supra-épineux, l’étude de Hata sur la récupération du volume musculaire, ne montre pas de récupération de ce muscle en postopératoire, alors que l’on observe une augmentation de volume de l’infra-épineux à 6,12 et 24 mois postopératoire. La rééducation doit donc s’axer sur la récupération de ce muscle qui s’oppose au spin en rotation médiale et à l’ascension de la tête. Le deltoïde quant a lui, est responsable d’une force ascencionnelle sur la tête humérale tant que l’axe de l’humérus est en dessous de l’orthogonale de la glêne. Dés que l’humérus passe au dessus de l’orthogonale, le deltoïde va produire des forces descendante qui vont participer au recentrage de la tête. Ce type de fonctionnement correspond à l’anatomie en plusieurs couches (et non pas faisceau dans le plan antéro-postérieur) avec des angles de pennation différents tel que le démontre Bonnel. Ce muscle contient en fait plusieurs muscles correspondant à plusieurs fonctions. Il faudra donc le travailler dans sa fonction de coaptation au dessus de l’horizontale pour qu’il participe à la coaptation de la tête humérale on fond de la glêne.

Rôle de la capsule articulaire scapulo-humérale

La capsule articulaire assure un double rôle dans la pathologie de la coiffe des rotateurs. Sa première fonction est informationnelle. En effet, de part sa richesse en capteur, elle participe à l’organisation proprioceptive (sens kinesthésique et positionnel). L’arc réflexe qu’elle établit avec les muscles périarticulaires participe à l’organisation motrice et semble être également responsable des contractures périarticulaires dont se plaignent les patients dans le cas de dysfonctionnements. Sa deuxième fonction est purement mécanique. De part une laxité homogènement répartie elle va permettre un mouvement glénohuméral satisfaisant. Par contre, dans le cas d’une rétraction d’une zone, elle va provoquer un décentrage du côté opposé comme l’a montré Harryman.

Dynamique de l’articulation scapulo-thoracique

Les mouvements de l’articulation scapulo-thoracique et le rythme scapulo-huméral sont systématiquement perturbés chez les patients présentant une tendinopathie de la coiffe. La bascule postérieure est limitée . Deux facteurs peuvent en être responsable ; un blocage ou une raideur acromio-claviculaire et une contraction ou rétraction du petit pectoral. Sur un plan dynamique, Cools a retrouvé un déficit de recrutement du trapèze inférieur. Ce déficit de bascule postérieure provoque lors de l’élévation une augmentation plus précoce de la pression sous acromiale.
Lors d’une élévation sans charge (mode balistique de Gagey)le trapèze et le dentelé antérieur travaille en concentrique, alors que le petit pectoral, l’élévateur de la scapula et les rhomboïdes sont allongées. Dans le cas du mode dynamique ou rythme inversé (bascule médiale de la scapula dans un premier temps, suivi d’une bascule latérale) le petit pectoral, l’élévateur de la scapula et les rhomboïdes travaillent en concentrique lors de la première phase alors que le trapèze et le dentelé antérieur sont étirés. Lors de la deuxième phase, le schéma du mode balistique et reproduit.
La réalisation satisfaisante de ces deux rythmes dépend bien évidemment du bon fonctionnement scapulo-huméral et acromio-claviculaire.

L’ORGANISATION PROPRIOCEPTIVE

Le bon positionnement articulaire met en jeu des informations sensitives qui sont intégrées au niveau du système nerveux central pour entraîner une réponse motrice efférente stabilisatrice de l’articulation. L’ensemble de ces informations sensitives est appelé proprioception.
On distingue 3 façons d’appréhender de manière consciente ou inconsciente ces informations sensitives au niveau articulaire:

  • Le sens positionnel (‘orientation d’une articulation dans l’espace)
  • Le sens arthrokinétique (détection de faibles mouvements articulaires)
  • La sensation de résistance (appréciation de la force appliquée).

Les afférences proprioceptives

Ces informations sensitives trouvent leur origine dans les mécanorécepteurs présents dans les muscles, les tendons, la capsule articulaire, les ligaments et la peau.

  • Les mécanorécepteurs articulaires : les corpuscules de Ruffini sont surtout stimulés dans les amplitudes extrêmes alors que les corpuscules de Pacini sont des récepteurs d’accélération. Ces mécanorécepteurs ne contribuent à l’information proprioceptive que dans les amplitudes extrêmes.
  • Les organes neuro-tendineux de Golgi sont situés à la jonction tendino-musculaire et sont stimulés par la mise en tension du tendon. Ils renseignent le système nerveux central sur la tension musculotendineuse. Leur stimulation entraîne un relâchement des agonistes et une contraction des antagonistes par l’intermédiaire du motoneurone γ. Ils ont donc un rôle de protection.
  • Les fuseaux neuro-musculaires sont le point de départ du réflexe myotatique et sont sensibles à l’étirement du muscle. Leur sensibilité des fuseaux neuromusculaires et la tonicité musculaire sont ajustées durant tout le mouvement, en fonction de la longueur et des variations de longueur du muscle.
  • Les récepteurs cutanés modulent la sensibilité du fuseau neuromusculaire en agissant de manière indirecte sur l’activité du motoneurone γ

L’intégration au niveau du système nerveux central

La réalisation de programme moteur pour le complexe musculaires de l’épaule ( 26 muscles) est particulièrement délicate. En effet l’orientation de leurs insertions varie dans l’espace à leurs 2 extrémités (scapula mobile). Cette programmation ne peut se faire que grâce à l’intégration et à la gestion des différentes afférences proprioceptives. Cette intégration au niveau du système nerveux central permet une régulation du tonus et une bonne harmonie des contractions musculaires. S.Lephart, distingue 3 niveaux d’intégration dans le traitement des données.

  • Le niveau médullaire : Jerosch mis en évidence un arc réflexe entre le système capsuloligamentaire de l’épaule et le deltoïde, le trapèze, le grand pectoral et les muscles de la coiffe des rotateurs. La latence, relativement longue latence (100 à 516 ms) ne correspond pas à l’activité du motoneurone α et ne peut suffire à protéger l’articulation. Elle serait liée à l’activation des motoneurones γ contribuant à augmenter la sensibilité des fuseaux neuromusculaires et par conséquent la tension musculaire et l’amélioration du réflexe myotatique.
  • Le tronc cérébral : une base stable est nécessaire à la bonne programmation de l’épaule. C’est dans le tronc cérébral que les afférences des mécanorécepteurs, des centres visuels et vestibulaires sont intégrées pour une bonne gestion de l’équilibre et de la posture au cours du mouvement.
  • Le cortex cérébral et le cervelet : Le cortex cérébral (siège de la sensibilité proprioceptive consciente et inconsciente). organise et module le schéma moteur en fonction des informations qu’il reçoit des afférences et qu’il échange avec le cortex moteur. Le cervelet a lui le rôle de comparateur. Il compare le programme moteur prévu et celui effectivement réalisé.

Du « feedback au feedforward »

Les années 70 ont vus le monde de la rééducation découvrir le rétrocontrôle. Ce phénomène, qui tient une place non négligeable dans l’apprentissage, est particulièrement chronophage pour l’organisation motrice et ne permet pas de donner des réponses motrices assez rapides. Ce sont des mécanismes d’anticipation qui sont à la base d’un grand nombre d’activités à la fois dans l’organisation du mouvement et dans les mécanismes de protection articulaire. Le patient doit réapprendre ou le plus souvent retrouver des programmes moteurs qui sont stockés et réutilisés lors de la préparation et de l’exécution de tâches ultérieures.
Il a été démontré, par exemple par G. David qu’il existait une preactivation de l’infraépineux et subscapulaire avant la mise en activité du deltoïde et du grand pectoral. Cette préactivation est destinée à la raideur active pour stabiliser la tête humérale. Très récemment Diederischsen a montré des anomalies de recrutement sur l’épaule pathologique mais aussi asymptomatique laissant sous entendre que ces anomalies pouvait t-être le primum movens du conflit sous acromial. La rééducation devra donc réintégrer ces muscles dans le programme moteur.

PHYSIOPATHOLOGIE

Il semble que ce soit le passage à la position érigée qui, en modifiant le cahier des charges biomécanique de l’épaule sans que l’anatomie en soit modifiée soit responsable de la véritable épidémie qui nous frappe. Cette épidémie ne s’est véritablement développée que lorsque la durée de vie à permis d’atteindre le nombre de cycles nécessaire à la genèse des lésions. D’un point de vue mécanique, la verticalisation a transformé les forces de compressions s’exerçant sur la glène (glène horizontale chez les quadrupèdes) en force de translation (glène verticale chez les bipèdes). Ces forces tendent à induire une ascension de tête humérale qui provoque une compression de la bourse et des tendons sous la voûte acromiale. La pression dans l’espace sous acromial qui est normalement quasi nulle peut monter jusqu’en 112 mm/Hg. Cette compression associée aux mouvements génère des forces de frottement qui vont progressivement détériorer la bourse et les tendons. Les dysfonctionnements articulaires provoqués par les forces ascensionnelles se pérennisent et la tête humérale se décentre de plus en plus en haut et en avant. Il se produit également des forces de cisaillement intratendineuses dues à la variation du module d’élasticité tendineux qui varie du simple au triple. Ces forces vont-être à l’origine des fissurations intratendineuses qui font vieillir la coiffe par délamination. Dés l’âge de 20 ans les premiers signes apparaissent dans une population dite normale. Quand elles apparaissent, les lésions sont très évolutives, puisqu’ en 1 an, 28% des ruptures partielles évoluent vers une rupture totale. Dans 56% des cas l’atteinte est bilatérale. Le résultat de ce processus évolutif est que l’on retrouve dans une population asymptomatique 50 % de rupture chez des sujets de 50 à 60 ans. Il est donc essentiel d’essayer d’enrayer l’évolution de cette pathologie dés les premiers symptômes, sachant que le motif de la consultation est toujours la douleur, souvent associée à une gêne fonctionnelle et parfois à une perte de mobilité.

LE REEDUCATEUR FACE AU CONFLIT

Pendant deux décennies, la planète médico-chirurgicale de l’épaule a essayé d’échapper au conflit par l’effet des abaisseurs. Neer en 1974 avait attiré l’attention sur le rôle de l’acromion dans la pathogénèse des lésions de la coiffe des rotateurs et l’impingement s’est érigé en dogme. Autour des années 2000, une meilleure compréhension de cette pathologie permet de démembrer cette notion et de mieux comprendre la place de la rééducation.
De façon schématique, on peut distinguer 3 types de conflits :

  • les conflits de causes hautes dans lesquels c’est le toit du défilé qui serait la cause du problème. Ce toit est constitué par l’acromion, le ligament acromio-coracoïdien, et la coracoïde en avant. De plus en plus d’études mettent l’acromion hors de cause tant dans le lien qui existe entre sa morphologie et la pathologie de la coiffe que dans son lien entre sa forme et l’augmentation des pressions dans l’espace sous acromial. tsPar contre des osteophytes sous acromio-claviculaires peuvent-être agressifs pour la coiffe.
  • Les conflits de contenu ou intermédiares
    C’est le contenu de l’espace qui peut-être en cause. Avec l’usure l’épaisseur des tendons diminue progressivement et il n’y a que lors d’exceptionelles tendinopathies hypertrophiques que le volume des tendons et donc que le contenu de l’espace peut augmenter. Par contre les bursites augmente systématiquement le contenu de l’espace. Il n’en est pas de même des calcifications qui sont dans la plupart des cas situées à l’intérieur des tendons et qui ne modifient donc en rien le fonctionnement sous acromial. Dans le cas ou l’épaisseur du contenu de l’espace est augmentée (bursite), les forces de frottements augmentent. L’augmentation de ces forces augmente le processus inflammatoire qui va augmenter la bursite. Le cercle vicieux est lancé.
  • Les conflits de causes basses
    C’est le plancher du défilé qui est en cause. Exceptionnellement il peut s’agir d’un cal vicieu du tubercule majeur ou de la tête humérale qui va en modifier la géométrie. Mais dans la plupart des cas il s’agit d’un dysfonctionnement de l’articulation scapulo-humérale avec la tête humérale qui va présenter un décentrage antéro-supèrieur lors de la flexion ou un spin en rotation médiale provoquant une compression des structures sous acromiales lors des mouvements d’élévations.

C’est sur ces conflits de causes basses que la rééducation pourra avoir une action en corrigeant les dysfonctionnements de l’articulation scapulo-humérale . Depuis plus de 20 ans, tous les patients qui nous ont été adressées pour le traitement d’une douleur d’épaule ou pour le bilan d’une épaule douloureuse, présentaient un dysfonctionnement de l’articulation scapulo-humérale se traduisant par une diminution de mobilité passive. Seule exception, les douleurs d’origine acromio-claviculaire ou cervicale, qui peuvent avoir la même topographie que les douleurs prenant leur origine dans l’espace sous acromial. Ces dernières peuvent-être isolées ou associées aux douleurs d’origine sous acromiale.

LE REEDUCATEUR FACE A LA PREVENTION DES TENIDONPATHIES ET DES T.M.S.

La kinésithérapie à un rôle majeur à jouer à tous les niveaux de la prévention.

Prévention primaire

Deux options, qui ne s’opposent pas mais qui diffèrent totalement, sont possibles. La première, bien connue consiste à tenter de jouer sur les facteurs de risques au travail que nous avons détaillés précédemment : diminution de la hauteur de travail, augmentation de la fréquence des pauses, diminution du bras de levier etc. C’est l’approche type geste et posture qui est utilisée depuis quelques décennies. Elle diminue effectivement les contraintes au niveau des épaules, mais l’on sait actuellement que s’est dans les 20 premiers degrés de flexion que les tendons sont en contact avec l’acromion. Cette amplitude, qui est donc la plus délétère pour la coiffe et ou la tête humérale subit une force de translation supérieur qui est égale à 42% du poids du corps du sujet est impossible à éviter. Ces nouveaux éléments d’anatomie et de biomécanique expliquent l’échec relatif de cette approche puisque la croissance du tableau 57 est de l’ordre de 20% par an. De plus le sujet continue d’utiliser ses membres supérieur environ 57 heures par semaine pour ses activités de la vie journalière et de loisirs et il n’est pas possible d’intervenir dans cet environnement.
La deuxième approche s’intéresse non pas à l’environnement mais à l’individu. Par analogie avec la prévention routière, c’est l’approche que l’on pourrait qualifier de « sécurité active ». Il s’agit d’optimiser le fonctionnement de l’appareil locomoteur et d’éviter l’installation de dysfonctionnements pouvant-être responsables de l’apparition d’une pathologie. Au niveau de l’épaule, le processus se fait vers une limitation de la flexion et de l’abduction. Ce sont des étirements capsulaire postéro-inférieur et un renforcement des rotateurs latéraux qui permettent d’éviter l’installation de dysfonctionnements. Le C Test est enseigné au travailleur pour lui permettre de s’autotester et de dépister un éventuel dysfonctionnement. Une éducation gestuelle est mise en place. Contrairement à ce que l’on pouvait penser, le travail les bras en l’air est mécaniquement bon pour l’articulation scapulo-humérale puisque les forces recentrent la tête vers en bas. Par contre, ce travail peut-être douloureux ou pénible dans le cas d’un dysfonctionnement articulaire (limitation d’amplitude), c’est alors la bourse sous acromiale qui est comprimée et le report de mobilité sur les muscles trapèzes entraîne, un inconfort, une fatigue et des douleurs cervicales.
Cette approche de type « sécurité active » permet à la personne de disposer d’une épaule efficiente pour sa vie professionnelle et privé évitant les litiges sur l’imputabilité de la pathologie à l’activité professionnelle.

Prévention secondaire

Les sujets devant bénéficier de cette prévention sont ceux qui sont au premier stade de l’évolution (légère limitation d’amplitudes indécelables sans tests spécifiques) et qui n’ont pas déclenché d’inflammation. C’est celle que nous utilisons depuis plusieurs années chez le sportif avec le programme PAS (Prévention Articulaire du Sportif). Cette approche consiste donc à détecter cliniquement les dysfonctionnements de la scapulo-humérale puis à les normaliser. Dans un deuxième temps, des exercices sont effectués pour fixer les corrections : des étirements du plan postéro-inférieur de la scapulo-humérale et un travail des muscles rotateurs latéraux pour effectuer un rééquilibrage dynamique.

Prévention tertiaire

Le but est d’éviter toute récidive après un épisode douloureux. Après traitement il est possible de retrouver une épaule parfaitement indolore avec un résultat stable sur plusieurs années. Pour cela le traitement ne doit jamais être symptomatique, et doit s’attaquer le plus tôt possible au processus physiopathologique. Parmi les différents facteurs intrinsèques et extrinsèques à l’origine de cette pathologie, la rééducation doit corriger les défauts de cinématique et pérenniser leurs corrections en réalisant un rééquilibrage dynamique. La stabilité du résultat à long terme dépend de la récupération des amplitudes en flexion, abduction, adduction horizontale et C Test et de la poursuite d’une autorééducation.
Pour le traitement rééducatif nous utilisons le protocole C.G.E. élaborer pour conter le processus physiopathologique. Dans tous les cas, la prise en charge débute par une évaluation.

CONCLUSION

En 2009, après 30 ans de « rééducation des abaisseurs » que peut faire le rééducateur.
Tout d’abord, se poser la question : pourquoi avons-nous basé la rééducation de l’épaule sur les abaisseurs. Un tour du monde de la rééducation de l’épaule montre que cela a été un mal francophone uniquement. En fait les muscles abaisseurs, sensés être abaisseurs de la tête humérale étaient les adducteurs et rotateurs médiaux qui favorisaient le spin et l’antériorisation de la tête humérale sur la glêne. Ensuite, peut-on faire mieux et peut-on baser son protocole de rééducation sur des fondements scientifiques clairement établis et non sur des confusions terminologiques abaisseurs/adducteurs. Oui mais il faut tenir compte de la structure et de la fonction des muscles de la coiffe des rotateurs, de la structure de ses tendons et de la variation de leur module d’élasticité et enfin des éléments de cinématique articulaire. L’enjeu humain, social et économique mérite que le monde de la rééducation se mobilise pour relever le défi que pose l’atteinte de la coiffe des rotateurs et les TMS. Quelques mots clés vont être à la base de cette rééducation : vérouillage au zénith, force de compression, gain d’amplitude par les techniques de recentrage type CGE, renforcement des muscles rotateurs latéraux.

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